Notre quête du logement parfait a commencé près des côtes. Les logements proposés ne nous correspondaient pas. Loin de l’agitation touristique, un joyau caché a attiré notre attention dans le village de Munxar. L’emplacement est parfait : loin des grands hôtels côtiers, dans un village authentique, près des plages et des sites incontournables de l’île. L’endroit semblait idéal pour échapper à l’agitation de la vie quotidienne et retrouver un peu de sérénité.

L’histoire du Thirty Seven commence quand le moyen le plus simple d’accéder à Gozo était encore l’hélicoptère. Patti et Guiseppe passent un week-end de vacances sur cette magnifique île. La journée, Guiseppe arpente les rues et tombe sous le charme d’une ferme en ruine qui attire son œil visionnaire. Il voit dans ce lieu, dans ces pierres, l’endroit idéal pour se ressourcer loin de leur vie trépidante dans l’industrie de la mode à Milan. Le soir même ils signent chez le notaire. Beaucoup les ont pris pour des fous. Il y a plus de vingt ans, l’île ne connaissait pas l’afflux de touristes actuel et Munxar était encore un petit village où le temps ne semblait pas avoir eu d’emprise. Mais Patti et Guiseppe ont été bien inspirés. Quand on voit ce qu’ils ont su faire du lieu, on ne peut que s’émerveiller.

Au départ le Thirty Seven était une maison de vacances. Au fil du temps il ont rénové cette maison de village, pour y passer leur temps libre. Au départ ils invitaient leur famille et leurs amis, puis ils ont eu envie de partager leur havre de paix. Il a fallut entreprendre de nouveaux travaux. Pour créer des chambres d’hôtes, ils ont bâti une piscine. Ces travaux ont été laborieux et compliqués, mais Patti et Guiseppe ont tenu bon. Au départ le nombre de chambres se comptaient sur les doigts d’une main. Puis, l’hôtel s’est agrandit au fil des ans. Aujourd’hui l’Hôtel est composé de deux parties : la maison d’origine et une aile récemment construite.

Plus que simplement louer une chambre, Patti et Guiseppe veulent partager un vrai art de vivre : des petits déjeuners maisons en passant par leurs conseils précieux pour découvrir l’île. Patti a partagé l’attachement qu’elle avait pour cette maison et nous avons eu la chance de regarder les photos qui racontent l’histoire de ce lieu. Nous sommes très loin des hôtels à la décoration impersonnelle et lisse. Ici nous sommes chez eux. Chaque détail influence nos émotions et notre ressenti. Nous sommes, nous aussi, tombés amoureux du Thirty Seven Gozo.

Nous avions été séduits par les photos du site internet, mais nous étions alors loin de nous rendre compte à quel point ce lieu était extraordinaire. A peine entrés, nous avons été saisis par cette atmosphère unique. Il y a quelque chose d’indéfinissable dans la lumière, l’air, les matières, qui fait qu’on se sent bien immédiatement le seuil de la porte franchi. A y réfléchir, c’est sans doute dû à l’amour qui a été mis dans cette maison. Loin du dictat des tendances, les propriétaires ont osé créer un univers singulier qui leur ressemble. Les pièces de grands designers côtoient des souvenirs de voyages. De cet ensemble éclectique, composé avec talent, nait un univers unique qui dialogue merveilleusement bien avec l’architecture du lieu.

Chaque jour, la maison semblait me révéler une surprise différente :  là un flamand rose caché dans les fleurs, ici un tableau d’un artiste Gozitan, plus loin une chaise de designer que j’ai toujours admiré, ailleurs un vase qui vient de l’autre bout du monde. Il y a aussi de l’humour et de la légèreté dans le choix de ces pièces. La décoration et l’architecture ne font qu’un et sont issues d’un vrai investissement personnel. Ici, nul besoin de refaire la décoration au fil des tendances, Patti sait habilement s’en distancer et en jouer. Ces choix très personnels qui marient des pièces étrangères  l’une à l’autre pourraient créer une certaine cacophonie, mais bien au contraire, ils font naître des univers singuliers. Patti réalise là un vrai tour de force. J’ai lu plusieurs fois des articles qui qualifiait cette décoration de « bohémienne », pourquoi pas. Mais à mon sens, ce lieu est inclassable. Chaque pièce est chargée d’une histoire qu’elle distille dans l’air et qui vient créer cette ambiance si particulière. Nous avons le sentiment d’être dans un lieu exceptionnel tout en ayant la sensation d’y avoir toujours appartenu.

Le paysage est tout aussi sublime. On découvre dans les jardins du Thirty Seven une grande variété de plantes, toutes plus belles les unes que les autres.  Elles semblent ne faire qu’un avec l’architecture. On ne peut parler de la végétation sans mentionner les figuiers de Barbarie. Ces cactus sont l’emblème de l’hôtel et poussent en abondance sur l’île de Gozo. A l’origine les fermes étaient entourées de figuiers de Barbarie car ces plantations abritent des vents forts et protègent des intrus. Ils poussent facilement sous le climat sec de Gozo sans besoin d’attention particulière et ils permettaient même de nourrir les animaux. Dans les jardins du Thirty Seven, on trouve beaucoup de plantes typiques de l’île, mais pas seulement. Comme les chambres, les jardins sont peuplés de souvenirs de voyages de Patti et Guiseppe. A coté des frangipaniers, palmiers, rosiers, on peut admirer des espèces provenant du monde entier. Il est surprenant que des plantes à l’appartenance si lointaine semblent toujours avoir été là. Elles s’épanouissent dans ces beaux espaces.

Les extérieurs du Thirty Seven ne forment pas un seul et même grand jardin, mais sont une succession d’espaces d’une grande richesse. Quand on pousse la porte d’entrée, on découvre un couloir de pierres beiges à ciel ouvert. Sur notre gauche une porte nous invite à entrer dans un patio qui dessert plusieurs chambres. Les espaces sont subtilement hiérarchisés. Aux extrémités du patio, une voûte, un rétrécissement, nous indiquent que nous passons d’un espace partagé à l’espace privé des chambres. En haut des escaliers on accède aux chambres par deux petites terrasses. Revenons sur nos pas. Le couloir se poursuit par une séquence couverte, nous passons sous une partie du bâtiment et des voûtes accompagnent nos pas. Au bout de ce chemin, nous découvrons un nouvel escalier et un pan de mur qui coupe la perspective pour mieux nous laisser surprendre par l’espace suivant. Le chemin étroit et fermé laisse place à une spacieuse terrasse largement ouverte sur une vallée pleine de fleurs et de plantations. Au milieu est implanté une belle piscine baignée par le soleil et bordée de palmier. De confortables transats nous appellent au farniente. Quand nous nous retournons, nous pouvons admirer la magnifique bâtisse aux allures de château fort.

Une ouverture dans un mur périphérique nous invite à reprendre notre chemin. Un petit jardin luxuriant qui semble appartenir à une chambre articule la terrasse précédente à un nouvel espace dédié à une piscine. Cet espace est plus intime, encadré par des murs, sans perspective ouverte sur le paysage environnant. La partie récente de l’hôtel donne sur cette piscine. Il se prolonge par une terrasse couverte qui nous propose un nouvel espace de délassement. Pour accéder au dernier espace extérieur, il faut passer par la salle de petit déjeuner. Celle-ci vient se prolonger par un nouveau jardin protégé de la rue par un mur haut. A l’extrémité de cet espace se situe un bar couvert, nouveau lieu détente. Chaque envie trouvera une réponse dans un de ces espaces, plus ou moins intimes, aux particularités différentes. Le Thirty Seven nous propose des espaces extérieurs aux qualités spatiales rares et infiniment séduisantes.

Un autre point nous a attiré au Thirty Seven : la qualité du projet de rénovation du bâtiment traditionnel. Autant dans la partie ancienne que dans la partie contemporaine, la ferme traditionnelle a été respectée et magnifiée. Patti et Guiseppe ont su préserver l’identité du lieu tout en créant un endroit élégant et moderne derrière une  façade rustique. Au début des années 90 le bâtiment est presque en ruine. Il a fallut beaucoup de travail pour aboutir au lieu que nous connaissons aujourd’hui. Ces fermes cubiques vieilles de 400 ans devaient assurer la sécurité de ses habitants. Ainsi, les murs étaient très épais. Il y avait très peu de fenêtres sur l’espace public et elles se situaient principalement aux étages. Les portes d’entrée étaient suffisamment larges pour laisser passer des chevaux et leur chargement. On retrouve ces grandes portes aujourd’hui.

D’autres éléments caractéristiques de ces fermes ont été maintenus. La cour était la partie centrale d’une ferme. Elle desservait les pièces et enclos du rez-de-chaussée. On y trouvait un escalier menant au toit. Ce toit était prolongé par un mur qui servait de garde-corps afin d’utiliser ces espaces comme terrasses. Elles desservaient les chambres aux étages. Les pièces hautes étaient les pièces nobles : chambres et salon. Les escaliers se situaient à l’extérieur des pièces pour gagner de la place car le système constructif restreignait la largeur des espaces. On retrouve ces principes encore aujourd’hui au Thirty Seven. Patti et Guiseppe ont soigné chaque détail. Ils ont valorisé les pierres et les arcades et ont créé un dialogue avec les ajouts contemporains.

Au Thirty Seven, chaque chambre à sa propre identité. Design très contemporain pour certaines comme la « Tokyo Penthouse » ou ambiance vieilles pierres et végétation pour la « Garden Suite ». Nous avons occupé la Barambura. Cette chambre se situe dans la partie ancienne à l’étage. Depuis la rue, il est impossible d’imaginer quel univers surprenant se cache derrière ces murs. La chambre se prolonge par une terrasse bordée de cactus et de succulentes où sont installées une table et deux chaises en fer noir. Ici les espaces extérieurs sont tout aussi importants que les espaces intérieurs.

Nous avons aimé habiter cet espace à la belle hauteur sous plafond et aux murs épais. Les  parois à la surface inégale sont peintes d’un rose léger qui change en fonction de la luminosité : du presque blanc au rose-terre soutenu. La couleur ne monte pas jusqu’au plafond et met ainsi en valeur les lignes sinueuses des arrêtes de ce volume complexe. Les murs sont creusés pour créer des niches qui abritent différents objets. La chambre est à la fois belle et confortable. La hauteur sous plafond était encore plus importante dans la salle de bain et la fenêtre haute la remplissait de lumière.

Chaque détail a fait l’objet d’un soin tout particulier. Je pouvais rester là, à observer la pièce, pour découvrir ses secrets. J’admire les motifs des carreaux au sol, puis les deux grands tableaux qui se font face. Mon attention se porte alors sur les lampes corail et les vases. Je m’amuse à ouvrir l’armoire grâce à ses poignées qui se déplient et contemple la lumière des appliques. L’odeur de la pierre, la douceur des draps, tout est fait pour ravir le plaisir de l’œil et des autres sens.

Inutile de vous dire à quel point il fut difficile de quitter ce lieu. La peine est à la hauteur de l’endroit. Le Thirty Seven Gozo est un havre de paix, un véritable joyau caché sur une île magnifique.