Cet article est divisé en deux parties :
Urbanisme, vivre sur la Caldera
Espaces extérieurs, quand le toit de l’un devient la terrasse d’un autre
Habitations troglodytes, habiter la falaise
Volumes, simplicité et pureté
Partie 2
Percements, ventiler et éclairer
Matériaux, construire avec le volcan
Couleurs, du blanc et du bleu, mais pas seulement
Distribution, organiser ces espaces singuliers
Autres formes architecturales, maisons, moulins et églises
Nous avons déjà entamé notre étude de l’architecture de Santorin dans la première partie, poursuivons nos découvertes !
Percements, ventiler et éclairer
Les dimensions et le positionnement des ouvertures répondent à des contraintes fortes. Nous venons de voir que les habitations étaient souvent étroites et profondes, pour partie troglodytes. Le manque de chauffage, combiné à l’humidité du sol provoque de la condensation. La façade est souvent le seul mur de l’habitation en contact avec l’extérieur. Les percements sont les uniques apports d’air frais et de lumière dans ces espaces difficiles à éclairer et à ventiler.
Pour apporter le plus de lumière possible jusqu’au fond des maisons, les fenêtres hautes sont privilégiées. Plus l’ouverture est élevée, plus la zone éclairée sera profonde. Une fenêtre haute permet aussi une répartition plus uniforme de la lumière dans la pièce.
Les ouvertures sont généralement la seule source d’air pour ventiler ces espaces humides creusés dans le sol. La disposition des fenêtres est donc un réel enjeu. Les ouvertures sont positionnées en fonction des vents dominants pour créer des courants d’air. La juste dimension et position des ouvertures permettent de créer une climatisation naturelle. On remarque régulièrement une ouverture au dessus de la porte. Ce dispositif permet à l’air chaud de sortir de la maison tout en apportant de la lumière naturelle en profondeur. Dans certains cas, ces dispositifs sont complétés par des puits de jour ou des patios. Ces espaces traversent le sol et permettent de ventiler et d’apporter de la lumière dans les pièces creusées le plus profondément.
Le salon et la chambre à coucher étaient souvent séparés par un mur avec exactement les mêmes ouvertures que la façade extérieure pour favoriser l’éclairage et la ventilation. Les fenêtres sont souvent de taille réduite. Car s’il faut apporter de la lumière ainsi que ventiler ces espaces profonds et humides, il faut aussi éviter d’y faire pénétrer trop de soleil pour éviter la surchauffe. Typiquement les volets, qui servent à se protéger de la lumière et de la chaleur, sont placés à l’intérieur de l’habitation.
Matériaux, construire avec le volcan
Les matériaux utilisés pour construire ces habitations répondent à plusieurs contraintes : économie, transport, facilité de mise en œuvre. Des matériaux locaux, abondants et parfois déjà présents sur place (car extraits pour creuser les grottes), sont privilégiés. Quand on sait qu’un chantier sur un terrain plat et facile d’accès peut s’avérer très compliqué, on ose à peine imaginer comment il est possible de construire à flanc de falaise, dans de petits espaces presque inaccessibles. Aujourd’hui encore, la contrainte majeure est de transporter les matériaux sur les falaises. Le seul moyen disponible et adapté au site est bien souvent l’âne.
Dans les parois des maisons, on peut remarquer des morceaux de roche saillante. Ces portions de falaise ont été laissées en place, car il était trop pénible de les détruire et de les évacuer. En laissant certaines parties de la roche se mêler aux habitations, on assure aussi la stabilité des habitations et la résistance aux tremblements de terre. Ces larges morceaux de roche dure sont également visibles sur certaines terrasses. Les habitations et la falaise ne font qu’un.
L’île de Santorin est sèche et volcanique, soumise à des vents forts en hiver. Ce climat n’est pas propice à la végétation et les arbres sont rares sur l’île. Pour construire en bois il aurait fallu l’exporter, ce qui aurait été trop couteux. Le peu de bois disponible est utilisé pour construire des volets, fenêtres, portes, meubles ou bateaux. La terre volcanique met à disposition d’autres ressources. C’est également ce qui rend cette île si belle, l’architecture, ses matériaux, sont en harmonie avec le lieu. Les habitants ont su tirer le meilleur parti des contraintes, mettre en œuvre les matériaux disponibles et ainsi créer une architecture unique, indissociable du lieu.
On peut distinguer trois grands type de matériaux : la pierre noire, la pierre rouge et la pierre ponce. Les trois sont des roches volcaniques.
La roche noire, roche magmatique ou roche ignée, se forme quand un magma se refroidit et se solidifie. Cette roche est extrêmement dure, elle est surtout utilisée pour les murs. La roche rouge, plus abondante, est utilisée pour créer les dômes et les arcs. Ces deux types de pierre sont utilisés avec ou sans mortier. Ces roches sont quelquefois recouvertes de plâtre, ce qui protège les jointures de la moisissure due à l’humidité. La finition en plâtre permet aussi de déceler d’éventuelles fissures. La pierre ponce est le matériau le plus utilisé. On la trouve en abondance dans le sol. C’est une pierre volcanique avec des propriétés similaires au ciment. Elle a permis aux habitants de creuser profondément dans les falaises, sans craindre les éboulements ou chutes de pierres. Mélangée à de la chaux, la pierre ponce moulue fait un très bon mortier, incroyablement fort et bon marché. Cette technique est utilisée depuis l’Antiquité. Ce matériau est également très adapté pour façonner les petites pièces construites au-dessus des arcades.
Les murs en pierre possèdent une forte inertie. La chaleur met du temps à pénétrer les murs, ce qui évite la surchauffe. Les parois emmagasinent la chaleur le jour puis, la restituent la nuit de manière diffuse. Le seul bémol, c’est que la pierre garde aussi l’humidité, ce qui rend parfois ces maisons inconfortables. Aujourd’hui, une épaisseur d’isolant thermique est ajoutée dans les habitations. La plupart des maisons sont aussi équipées d’une climatisation ou d’une VMC pour lutter contre la chaleur et l’humidité. Les matériaux utilisés étaient respectueux de l’environnement et préservaient les ressources naturelles. Aujourd’hui, les formes traditionnelles des maisons sont reproduites avec des matériaux contemporains comme le béton, même si le coût est plus élevé qu’à l’origine.
Couleurs, du blanc et du bleu, mais pas seulement
Quand on pense à Santorin, on voit ces petites maisons d’un blanc éclatant sous les rayons du soleil, surplombant une mer d’un bleu profond. On pense aussi à toutes ces petites églises blanches et bleues qui ont fait la renommée de l’île. Dans notre imaginaire, l’association de ce blanc et ce bleu symbolise Santorin.
Les maisons sont blanchies à la chaux, cet enduit est généralement renouvelé une fois par an au printemps. Le blanc renforce la pureté des volumes et leur confère cette prodigieuse esthétique. Au delà de l’aspect esthétique, le choix du blanc se fait avant tout pour des raisons techniques. Le blanc permet de réfléchir les rayons du soleil et réduit ainsi l’absorption de la chaleur en été. Le blanc et le bleu sont aujourd’hui maintenus dans le paysage grâce à une volonté politique qui restreint l’utilisation des couleurs pour les bâtiments. De plus, ces couleurs sont aussi celles du drapeau grec. En observant bien le paysage, ce ne sont pas les seules teintes présentes. On voit aussi des bruns, des rouges, des jaunes-ocre, des roses… Ces couleurs sont encore plus présentes quand on s’éloigne des villes surplombant la Caldera pour s’aventurer vers le centre de l’île. Des touches de couleur vive (bleu, jaune, rouge…) sont aussi utilisées pour mettre en valeur des éléments d’architecture : menuiseries, volets, jardinières…
Distribution, organiser ces espaces singuliers
Les maisons sont creusées dans la terre, à l’intérieur des falaises. Elles ont tendance à être assez étroites et profondes. Une façade étroite peut se prolonger loin dans la roche. Cette façade, comme la partie immergée d’un iceberg, ressort plus ou moins de la falaise. Parfois, un seul mur marque l’entrée de la grotte. D’autres fois, ce sont des volumes entiers qui viennent dans le prolongement de la cavité. Ce caractère architectural impacte la disposition des pièces, plus il y a de murs à l’extérieur, plus les apports de lumière peuvent être importants et diversifiés. Les maisons peuvent compter plusieurs de ces façades étroites, qui donnent sur une cour commune.
Les espaces de jour sont privilégiés, les salons sont donc positionnés à l’avant pour profiter du plus de lumière possible. Les chambres sont à l’arrière, parfois ouvertes sur le séjour pour bénéficier de lumière en second jour et ne pas couper la circulation de l’air. Rappelons que la ventilation de ces espaces humides est un enjeu majeur. Les pièces sont donc très peu cloisonnées entre elles pour laisser l’air se propager.
Venons en aux pièces d’eau. La plupart du temps les cuisines sont de petite taille avec moins de hauteur sous plafond. Elles sont souvent reliées au salon, mais peuvent aussi être à l’écart de celui-ci. Historiquement les salles de bain étaient placées à l’extérieur des maisons, dans la cour. Tout comme les toilettes qui sont construites à l’écart des lieux de vie. Pour plus de confort, avec l’évolution des modes de vie et la maitrise des eaux usées, les toilettes et les salles d’eau sont progressivement revenues à l’intérieur des maisons.
Chaque logement a une citerne, qui est positionnée dans la cour, afin de recueillir les eaux de pluie. Sur cette île au climat aride, c’est indispensable. Les eaux usées quant à elles, sont collectées et mélangées à de la pierre ponce. Régulièrement, ces déchets sont transportés à l’extérieur de la ville et sont répartis dans les champs pour être utilisé comme engrais. Récemment les habitants se sont mis à utiliser les citernes comme fosses septiques.
Des éléments architecturaux ressortent et donnent du caractère aux habitations : des cheminées (souvent liées aux cuisines), des escaliers, des terrasses, qui peuvent avoir des écritures architecturales très variées. Aujourd’hui, avec le tourisme en plein essor, de nombreuses piscines sont aussi construites. Elles sont souvent petites, de toutes formes. Certaines se prolongent dans les maisons et effacent les limites entre intérieur et extérieur.
Autres formes architecturales, maisons, moulins et églises
Maisons
Nous avons vu que l’architecture vernaculaire de Santorin a produit des espaces remarquables en s’adaptant à un environnement naturel difficile. Les maisons troglodytes ne sont pas les seules formes architecturales de l’île. Quand le relief est moins présent on peut aussi observer des maisons construites sur terrain plat. Aujourd’hui les maisons sont construites avec une ossature porteuse et un remplissage. En toiture, on retrouve ce système de voûte.
Les Kapetanospita sont les maisons de capitaines qui datent du 19ème siècle, période de prospérité de l’île. Ce sont des maisons d’inspiration néoclassique à deux étages. La cuisine et les espaces de nuit étaient au rez-de-chaussée, l’étage était occupé par le salon. Les maisons disposaient de cours spacieuses, de confortables jardins et de grands réservoirs d’eau. Les armateurs et les capitaines n’occupaient pas les maisons sur la Caldera construites dans la roche occupées par une population plus modeste. Ils ont donc construit dans les quartiers plus en hauteur sur des terrains plats afin de bénéficier de plus d’espace. Leurs maisons sont inspirées de l’architecture néoclassique et de la renaissance, très en vogue à l’époque, mais que seuls des personnes aisées pouvaient s ‘offrir sur l’île.
Les Canavas (ou Canvas) sont les caves où le vin est produit. Elles étaient construites sous terre ou dans la falaise. Les maisons ont de grandes portes cintrées, suffisamment grandes pour faire passer de grands tonneaux de vin. Dans ces espaces étaient aussi conservés les productions locales comme les tomates. Ces constructions sont surtout présentes à l’Est d’Oia, comme le quartier de Finikia où il y avait autant de canavas que de maisons. Ce territoire était réservé aux agriculteurs. Leurs maisons se nomment Agrotospita. Elles ont souvent des caractéristiques similaires aux Yposkafa avec en plus de grandes cours.
Moulins
A Oia, comme dans d’autres villes de l’île, on peut apercevoir plusieurs moulins. Ils se dressent sur la Caldera et se distinguent sur la ligne d’horizon. Ils sont de forme ronde, avec bien souvent des toits bruns ou, des toits blancs dans la continuité du volume principal. Ces moulins à vent sont eux aussi blanchis à la chaux. Leurs roues sont équipées de voiles qui convertissent l’énergie du vent. Aujourd’hui, beaucoup de ces moulins ont été transformés en maisons ou hôtels.
Eglises
Les églises blanches au dôme bleu sont un symbole de Santorin et plus largement des Cyclades. On les retrouve sur toute l’île. Ce grand nombre d’églises est dû au passé maritime de l’ile. Pour favoriser de bonnes conditions météorologiques et pour que les proches partis en mer reviennent sains et saufs, les habitants ont construits des églises. La plupart de ces bâtiments sont donc des propriétés privées transmises de génération en génération. Les églises sont consacrées à des Saints et des fêtes ont lieux le jour des noms de ces Saints.
Ce sont des édifices aux formes simples sans ornementation, en harmonie avec l’architecture de l’île. Il existe aussi des églises plus vastes construites dans des styles néoclassique ou byzantin. Le dôme est souvent bleu, mais peut aussi être blanc. Ces édifices religieux (chapelle, église, cathédrale) disposent de cours, d’arches et de clochers parfois très élaborés.
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